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LA MORT D'UN ÉTUDIANT NÉERLANDO-ÉMIRIEN LÈVE LE VOILE SUR LES RELATIONS ENTRE L'UNION ET LA GRANDE CEINTURE ORIENTALE

La mort d’un étudiant dans des circonstances troubles  à Dubaï interrogent sur les relations de l’Union avec la Grande Ceinture orientale. Tour d’horizon d’une situation plus complexe et délicate que jamais au niveau diplomatique.  Par Abigael Patiron et Ugo Danvers.


©Pauline Fargue 

Dans un premier temps, l’affaire Aras Al Zamil a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans les ambassades de l’Union à travers toute la Grande ceinture orientale. La mort du jeune homme âgé de 21 ans, né d’un père émirien riche homme d’affaires et d’une mère néerlandaise, et qui terminait un cursus brillant en computing-ingénierie à l’University College de Dubaï, a suscité le malaise et l’incompréhension. Plus que sa disparition elle-même, ce sont les terribles circonstances de celle-ci qui interrogent : Aras Al Zamil aura en effet subi séquestration et tortures avant d’être assassiné d’une balle dans la tête et abandonné dans un entrepôt vide situé dans les faubourgs de la capitale. Les indices sur le lieu du crime étant quasi inexistants, beaucoup y ont rapidement la main de professionnels. En somme, une exécution en bonne et due forme. Or, très vite, le militantisme de l’étudiant, devenu un opposant farouche du régime oriental, ainsi que son homosexualité affichée - dans un pays où tout tout ce qui y est considéré comme une déviance politique ou sexuelle est passible de peine de mort - sont apparues comme un élément d’explication de cet assassinat. 

Aujourd’hui, plusieurs thèses cohabitent mais celle d’un meurtre fomenté par les autorités émiriennes contre un opposant devenu gênant est la plus probable. Cette méthode pour le moins expéditive aurait alors évité un jugement médiatisé dans le monde entier et un incident diplomatique entre l’Union et la Grande ceinture orientale en cas d’arrestation et de condamnation de l’étudiant. C’est aujourd’hui l’explication la plus probable pour nombre d’experts de la Grande ceinture. 

Dans les premiers jours qui ont suivi la découverte du corps d’Aras Al Zamil, la gravité des faits a amené les chefs de la diplomatie unie, soutenus par les responsables politiques, à exiger des explications et à montrer plus de réserve envers leurs homologues orientaux qu’ils ne l’avaient fait jusqu'alors. Mais les tensions furent de courte durée. Aujourd’hui, les relations semblent s’être réchauffées, comme tendent à le penser les déclarations d’amitiés qui se sont multipliées récemment. Ce fut le cas toute cette semaine à Bordeaux, où se tenait le salon de la conquête aérienne et spatiale, qui se tenait à Bordeaux. 

Le timing était le bon : cet événement annuel où se rencontrent patrons d’entreprises, hauts gradés de l’armée et émissaires, a permis à des militaires mandatés par l’Union d’accueillir avec déférence une délégation de la Grande ceinture orientale. Après avoir vanté les mérites de l’avion de chasse l’Aquila et fait faire une visite en bonne et due forme de l’appareil à leurs hôtes, les militaires ont souhaité rappeler l’importance d’entretenir de bonnes relations entre les deux puissances.  Les militaires espèrent avoir posé les jalons d’une future vente à « nos amis et alliés ». Finies les crispations, l’heure n’est donc plus de demander des comptes mais de se réconcilier. 

Ces paroles enthousiastes font écho avec les déclarations des ministres du Commerce et des Relations étrangères unies, présents ce jeudi lors des vœux du président de l’Union. Ils expliquaient ainsi que « le principe de réalité doit prévaloir […] et que la vie doit continuer. Ainsi, il apparaît inenvisageable de risquer de rompre nos relations et de faire courir le moindre risque à des transactions de première importance avec nos partenaires ». 

La ministre des Relations étrangères unie Suzanna Pfeiffer va même plus loin : selon elle, faire peser la menace d’une rupture diplomatique à cause de la disparition d’un seul individu est totalement irrationnel. « Regardons les faits : l’enquête sur la mort de l’étudiant est en cours et rien ne prouve pour le moment qu’il s’agit d’autre chose que d’un meurtre crapuleux. Connaissant la vie tourmentée que menait ce jeune homme, on ne peut exclure non plus l’hypothèse d’une vengeance personnelle. Il ne fait aucun doute que les coupables seront retrouvés, arrêtés et châtiés selon les lois en vigueur au sein de la Grande Ceinture orientale. À ce propos, nous souhaitons rappeler que nous faisons entièrement confiance à sa justice pour faire la lumière sur ce qui s’est passé ». La ministre rappelle alors que l’important pour l’Union est désormais de préparer la suite et de retrouver des relations privilégiées, indispensables à l’équilibre économique des deux puissances. « Nous devons tous être conscients que le risque est de remettre en cause des contrats discutés de longue date. « On ne peut pas jouer avec le feu. Or, tout peut basculer très vite. Faire dépendre nos contrats à l’international ce serait comme annuler des vacances avec des amis parce qu’en arrivant, ils ont malencontreusement écrasé notre chat sur notre allée de garage. Le mal est fait, il n’y a aucun moyen de revenir en arrière, aucun sort à conjurer. On peut être navré, l’exprimer, mais les beaux jours n’en sont pas moins à venir ». 

C’est donc au nom de ce nécessaire pragmatisme que les acteurs commerciaux et diplomatiques des deux zones ont décidé de reprendre séance tenante leurs affaires et ce, malgré les protestations répétées de diverses ONG, telle la très active Human-Rights-First, qui se sont  fait une spécialité de la dénonciation des manquements aux droits de l’homme. Ici, les violences et les exactions quotidiennes que subissent les populations dans les pays de la Grande Ceinture orientale, et qui jusqu’à maintenant n’obtenaient pas réellement l’attention des médias au sein de l’Union, ont obtenu avec l’affaire Al Zamil un écho médiatique nouveau. 

Lorsqu’on lui rappelle les vives critiques émises par ces ONG, le ministre du Commerce Abel Tisrant certifie être en dialogue constant avec ces associations. « Je les respecte, beaucoup œuvrent pour la bonne cause. Mais il faut voir aussi que certaines vivent de la naïveté populaire. Quand leur discours n'est fait que d’invectives moralisatrices, mon avis est qu’il faut se méfier. La vérité est toujours plus complexe ». Suit un véritable cours d’économie politique : « Il faut comprendre que personne ne nous attendra si on hésite. Nous sommes cernés par la concurrence. Vous savez, les Américains sont les premiers sur le marché, loin devant nous. La Chine est en plein bond. En matière d’armement, elle est tout simplement en train de nous dépasser. Et Pourquoi ? Parce qu’elle ne s’embarrasse pas de considérations morales. Alors je ne dis pas qu’il ne faut pas en avoir. C’est même tout à notre honneur, de toujours chercher à agir de manière éthique. Mais nous devons en voir les limites. Vous savez, les autres membres du gouvernement uni et moi ne sommes pas sans cœur. Nous sommes sensibles à ces problématiques. Seulement, nous appréhendons les choses dans leur globalité. Nous, quand nous négocions avec la Grande Ceinture, ce que nous avons en tête, c’est le groupe SkyCar, un des plus prestigieux que nous ayons au sein de l’Union ; ce sont aussi les constructions Prestige de Bretagne (PdB), qu’il faut faire tourner. Elles viennent d’obtenir un contrat de plus de 250 millions d’euros. On ne va tout de même pas nous le reprocher, n’est-ce pas ? Parce qu’en général, ce sont ces mêmes personnes, des agitateurs, des professionnels du désordre qui crient au scandale quand il faudra fermer des usines. Pensez-y : ce sont ces mêmes associations qui vont manifester, après, devant les sièges des entreprises quand des usines fermeront. L’indignation, c’est leur fond de commerce. Ces gens passent de l’une à l’autre. Alors moi je suis prêt à discuter de tout, avec tout le monde. En revanche, je ne veux pas, avec mes collègues du gouvernement, prêter le flanc sans rien dire à des reproches démagogiques. Où que l’on se situe, quels que soient les intérêts, il faut garder une certaine mesure, vous comprenez ? Si chacun s’y astreint, alors nous sortirons tous grandis ».

Pourtant, la population de l’Union ne regarde plus de la même manière nos relations commerciales avec la Grande ceinture depuis l’affaire Aras Al Zamil. Dans ce domaine, la bataille des idées s’avère avant tout une bataille d’opinion. On comprend donc que les conclusions de l’enquête seront en réalité déterminantes pour le trio commerce/guerre/médias qui s’est mis en place dans une des zones les plus dangereuses du monde.