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L’EXPLOSION DU NOMBRE DES MIGRATIONS AU COEUR DES TENSIONS ENTRE L’UNION ET LE ROYAUME-UNI. 

Rien ne va plus à la frontière entre l’Union et le Royaume-Uni. Depuis la mise en application de l’article 73 qui a scellé  jeudi dernier la sortie définitive de celui-ci de l’Union et marqué l'aboutissement du Bri-break, les mouvements de population ont explosé. Cette fin de semaine a vu une montée en tension inquiétante. Par Marie-Christine Keller. 

©Pauline Fargue

Les forces de contrôle et de sécurité de frontière ont eu beau anticiper le phénomène en renforçant le nombre des contrôles sur les côtes, elles se disent aujourd’hui littéralement débordées. Devant l’urgence, le gouvernement a annoncé avoir fait appel à des entreprises privées pour contenir les flux. La difficulté réside dans la complexité de ces mouvements : ils ont certes augmenté  de manière exponentielle depuis les dernières semaines ; mais ces mouvements s’avèrent multiples : c’est un phénomène inédit, ils se font dans les deux sens. En effet, désormais, les migrants « traditionnels », venus d’Afrique et de la Grande Ceinture orientale et candidats à la nationalité croisent des Britanniques fuyant leur pays, désormais isolé et en proie à une crise économique et financière majeure. Lorsqu’ils arrivent dans l’Union, ils viennent grossir les camps de migrants, les fameuses « jungles », dans l’attente d’une prise en charge et du traitement de leurs dossiers d’asile. 

Mais le phénomène ne s’arrête pas là : c’est désormais un fait établi que de plus en plus de membres de l’Union tentent également de quitter leur territoire en traversant la Manche. Or pour y parvenir, exactement comme les Africains ou les Britanniques, ils emploient tous les moyens imaginables. C’est donc à des tentatives d’immigration et d’émigration sauvages à flux tendu que les gardes britanniques et unis doivent désormais faire face. 

Hier, en pleine nuit, une douzaine de ressortissants de l’Union ont été secourus par des employés de l’entreprise Bordex à 60 km de Calais alors que le moteur leur petit zodiaque était tombé en panne.  Quasiment à la même heure, 23 Britanniques – de nationalités anglaise et écossaise – avaient envahi un Ferry en partance pour Cherbourg et escaladé ses cheminées. L’un de ces hommes désespérés est tombé d’une hauteur de 40 mètres et est décédé sur le coup. Les autres, qui menaçaient de faire de même s’ils n’étaient pas amenés de l’autre côté de la frontière maritime, ont finalement été interceptés et remis aux autorités de leur pays. Quelques jours plus tôt, c’est un pêcheur normand qui a vu son bateau être pris d’assaut, vraisemblablement par un groupe de migrants Iraniens. Le bateau a depuis été retrouvé non loin des côtes anglaises mais on ignore ce qui est arrivé aux clandestins. 

Ces flux tous azimuts et leur augmentation récente avivent les tensions, déjà grandes, entre l’Union et le Royaume-Uni. Chacun se renvoie la responsabilité des accidents, des décès et des intrusions illégales. Ce matin, la ministre de l’Intérieur britannique Joan Palm a demandé aux responsables de l’Union de juguler la fuite de ses ressortissants, « dont le malheur s’ajoute de manière dramatique à celui des migrants venus de plus loin encore ». Sur un ton de provocation et d’agressivité assumé, elle a déclaré : « Il est temps, non, il est urgent que les dirigeants de l’Union reconnaissent l’échec de leur politique économique qui, après avoir provoqué le Bri-break, est à l’origine aujourd’hui d’une émigration de masse. Qu’ils fassent enfin leur autocritique ! ». Elle a terminé son propos en conseillant à son homologue de « ravaler très vite son orgueil et d’accepter de faire appel à de nouveaux acteurs de contrôle. Si besoin, nous avons de bonnes adresses à vous proposer. » En réponse à ces déclarations, le ministre de l’Intérieur uni s’est contenté d’un tweet sur son compte officiel où il expliquait qu’ « avant de donner des leçons à ses amis, il [était] toujours bon de balayer devant sa porte. » 

Mais pendant que les responsables politiques règlent leurs comptes, ce sont les populations locales qui doivent gérer les mouvements immenses générés par la situation. Le maire de Pool, d’où partait le Ferry envahi, a appelé dans la foulée du drame à une manifestation : « Il est inacceptable que des gens puissent menacer ainsi la sécurité de nos ports et des bateaux de croisière. C’est toute notre économie touristique qui est en danger. Notre ville ne peut pas se permettre cela. ». Étrangement, ces propos rejoignent ceux de la Présidente de la région Grands Hauts Maritimes, qui déplore que le manque de moyens pour lutter contre l’immigration ait pour première conséquence l’insécurité des usagers des ports. Contre les migrants, mais aussi les passeurs qui profitent de la confusion pour promouvoir leur trafic, elle a exigé des « réponses judiciaires fermes et des expulsions rapides. » Quant au trafic des bateaux, légèrement perturbé près de Cherbourg suite à l’invasion du Ferry à Pool, il est depuis revenu à la normale. On peut craindre cependant que les choses ne puissent rentrer dans l’ordre aussi rapidement si ces incidents perdurent. 



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